Leur rencontre
Sarah : « À une discussion organisée par Doc Québec sur le cinéma collaboratif. Je venais de terminer À St-Henri, le 26 août. Je crois qu’elle se demandait ce qu’une anglophone faisait dans un remake d’un film profondément québécois… »
Karine : « J’ai rencontré Sarah pour la première fois lors d’une activité de Doc Québec. Sarah et l’équipe du film À St-Henri, le 26 août faisaient une présentation pour parler de leur démarche pour la réalisation du documentaire.
Il faut dire que j’étais un peu jalouse parce que j’avais souvent rêvé revisiter le classique À Saint-Henri le cinq septembre.
Dès le début, j’ai été séduite de voir Sarah et Shannon Walsh (la réalisatrice), deux anglophones, faire la conférence entière en français. Je pense que Sarah avait déjà gagné mon cœur.
J’écoutais les filles parler de Saint-Henri, des personnages, et je trouvais vraiment tripant que deux anglos aient eu un coup de cœur pour ce quartier et pour le documentaire tourné en 1962. Ça me sortait de mes préjugés, ça brisait le cliché anglo/franco et c’était tant mieux.
Puis, elles ont expliqué comment elles avaient travaillé sur ce film et j’ai vu tout de suite l’engagement total de Sarah dans ce projet et la passion avec laquelle elle en parlait. J’ai carrément eu un girl crush professionnel. Ensuite, j’ai invité Sarah dans un souper avec d’autres productrices parce que je voulais mieux la connaître.
C’est pas mêlant, je le raconte et j’ai l’impression de raconter une histoire de cruise. Bref, depuis ce temps, mon girl crush est devenue collègue, coloc de bureau, amie. »
SARAH : « Karine m’a dit il n’y pas si longtemps qu’elle s’était présentée à cet événement Doc Québec avec quelques réserves. Pour elle, le fait que des cinéastes originaires de l’Ontario s’approprient l’œuvre d’Hubert Aquin constituait un geste somme toute périlleux. Mais, il faut croire que nous l’avons convaincue parce que tout de suite après la discussion, elle m’a accrochée. Nous avons échangé et je pense qu’elle m’a aussitôt demandé mon numéro. C’est elle : intègre et entière. »
Karine admire Sarah pour : « Sa détermination. Sa façon de croire totalement en ses projets et de voir le positif et les opportunités là où les autres verraient l’insurmontable. C’est aussi une fille qui, je pense, réussira à vraiment changer des choses à cause de ses convictions politiques et sociales et de la façon dont elle défend ses idéaux. Mais surtout, c’est une feel good collègue. Elle a de l’humour et ça, pour moi, c’est vraiment gagnant. »
Sarah admire Karine pour : « Elle est une leader naturelle qui réussit toujours à rassembler les gens et les idées. Elle est intègre et possède une excellente vision à long terme. »
La place des femmes
Sarah : « Aujourd’hui, j’étais à la conférence de presse des RIDM et je regardais les magnifiques Roxanne, Charlotte et Myriam présenter la programmation du festival de cette année. J’ai été impressionnée par le fait qu’elle représente ce nouvel esprit du milieu, quelque chose de spécial et de différent de ce que l’on peut voir des autres festivals qui sont généralement dirigés par des hommes.
La salle où avait lieu la conférence était aussi remplie de femmes réalisatrices qui présenteront un film cette année.
Somme toute, la représentation féminine est très bonne et je souhaite que ça continue.
Mais cette place, elle a été acquise par un travail acharné et soutenu. Celui-ci se doit d’être poursuivi et même de s’étendre aux autres sphères du milieu cinématographique. »
Karine : « Le milieu du documentaire est un milieu très féminin. Réalisatrices, productrices, il y a beaucoup de femmes. C’est aussi le genre qui est peut-être le moins payant en cinéma… drôle de hasard. Non, sérieusement, sans vouloir généraliser, je pense qu’il y a cette notion de temps, d’observation, de sensibilité dans le documentaire qui interpelle plusieurs femmes. L’impression aussi de pouvoir faire la différence avec les films que nous produisons. Le documentaire ne sert pas bien les gens avec des gros ego. Les femmes que je côtoie dans notre domaine sont vraiment dédiées et pas du tout en représentation. »
Karine : « Je pense qu’avec Sarah et plusieurs productrices, réalisatrices et autres collègues du documentaire, on commence à se regrouper autour de points communs. Nous faisons partie de la génération qui n’a pas connu l’âge d’or du documentaire. Depuis le début, on se bat pour chaque subvention. On se bat pour faire notre place et être reconnues par les plus expérimentés du milieu. On pousse pour que nos projets se rendent le plus loin possible. On a choisi une certaine relation avec nos réalisateurs qui nous met sur un pied d’égalité, qui nous fait travailler vraiment étroitement, sur le terrain, avec ceux-ci.
Je pense qu’on réussit à faire beaucoup avec peu. Je pense aussi qu’on a de grandes ambitions et idéaux malgré le climat politique écrasant. On a décidé de se dire : « Fuck la morosité. »
Dernièrement, j’ai l’impression que non seulement on a trouvé une voie qui nous est propre, mais en même temps, on se rapproche aussi de la génération qui nous a précédés. On sait qu’on a à apprendre d’eux. Donc on a un peu le meilleur des mondes : notre façon de faire et l’énergie de la relève, mais aussi l’inspiration et l’expérience de ceux qui en ont vu d’autres avant nous. »